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Entre la Préhistoire (-300 000) et la fin de l’Antiquité (+476) la sculpture a connu une profonde évolution. D’une part, les échanges entre les cultures ont permis une meilleure connaissance des matériaux, un partage des savoirs-faire et la multiplication des sujets de représentation. D’autre part, le perfectionnement des outils et des techniques a permis à l’homme de davantage soumettre la matière à sa volonté. Enfin, la croissance et l’organisation des sociétés ont profondément métamorphosé les sujets représentés et leur fonction symbolique. La production étant aussi importante que variée, nous limiterons notre corpus aux œuvres des civilisations égyptiennes, grecques et romaines.

1. Qu’est-ce qu’une sculpture ?

La sculpture est l’art de réaliser des œuvres en trois dimensions, quel que soit le matériau et la technique utilisés. On peut distinguer différents procédés :

  • la découpe de matières ;
  • le martelage : frapper au marteau un métal pour lui donner une forme ;
  • le modelage : usage des matériaux malléables (argile, pâtes synthétiques) qui durcissent par séchage ou cuisson ;
  • le moulage : emploi de matières molles (verre ou métaux en fusion, résines et matières plastiques) versées dans un moule qui prennent forme par solidification ;
  • la taille : retrait d’éléments d’une matière solide (pierre, bois, etc.), pour en faire émerger la forme désirée. Le résultat peut prendre différents aspects :
  • Exemple de sculpture taille en ronde-bosse

    Exemple de taille en ronde bosse : Sphinx, marbre, vers -570/-550, Musée d’archéologie nationale, Athènes, Grèce – image : SBD

    la sculpture méplate ou incise : le support est gravé par incision, délimitant simplement le contour du motif qui apparaît en creux.

  • le bas-relief : les motifs ne sont plus en creux, mais un peu saillant, car c’est autour de ceux-ci qu’on a retiré de la matière.
  • la demi-bosse : les motifs se dégagent à moitié du fond et leur modelé est plus important.
  • le haut-relief : la représentation se détache presque totalement du fond.
  • la ronde-bosse : la sculpture est libérée de son fond et son modelé est visible quel que soit le point de vue.

2. Quand la sculpture est-elle apparue ?

Des découvertes récentes ont fait volé en éclat les certitudes scientifiques sur le sujet. Une statuette anthropomorphe découverte à Tan-Tan (Maroc) en 1999 pose même la question de l’apparition de la sculpture. Elle a été datée entre -500 000 et -300 000. Toutefois, les experts pensent, à ce jour, qu’elle serait issue d’une formation géologique naturelle, à peine retouchée par l’homme. Il en va de même pour la vénus de Berekhat Ram découverte sur le plateau du Golan en 1981. Néanmoins, celle-ci, datée entre -300 000 et -200 000, porte plusieurs entailles nettes. Les scientifiques tendent donc à distinguer les artefacts accidentellement anthropomorphes, trouvés et utilisés par l’homme, de ceux intentionnellement sculptés.

En 2008, un archéologue exhume une statuette en ivoire sculpté de la grotte de Hohle Fels (Allemagne). Datée -40 000 et -37 000, elle est désormais la plus ancienne sculpture volontaire connue.

3. La sculpture en Égypte antique

Les égyptologues considèrent aujourd’hui que l’histoire de l’Égypte antique débute vers -4 000 et s’achève avec l’invasion arabe en +642.

La définition d’un canon

canon égyptien

Le canon égyptien

L’art antique égyptien possède une spécificité : il est immédiatement identifiable. Cela s’explique par le fait que les codes artistiques ont très peu évolué (règne d’Akhenaton mis à part) jusqu’à la période copte (chrétienne). La production artistique est donc très liée aux croyances et pratiques religieuses qui y ont insufflée l’idée d’ordre. Toutes les représentations répondent à un canon. Celle de l’homme est codifiée à l’aide d’une grille de 18 à 22 unités de hauteur, avec des règles précises. Par exemple, le milieu du genou est toujours représenté sur la ligne 6 de la grille, le haut de la jambe sur la ligne 10. Avec ces contraintes, il y a une permanence des méthodes et donc des représentations, quelle que soit la période considérée.

Si la fonction essentielle de l’art est de servir la religion, il est donc avant tout symbolique. D’ailleurs, tout est symbole : couleurs, végétaux, taille des personnages, animaux…

Statue d'un couple de notables égyptiens

Couple de notables, calcaire anciennement polychrome, Ancien Empire, IVème-Vème dynasties, vers -2 620/-2 350, Musée des beaux-arts, Lyon, France

Un art pour l’éternité

Les plus grands chefs d’œuvre de l’art égyptien proviennent des tombes découvertes. Ce n’est pas un hasard : l’art sert le défunt dans sa vie d’au-delà. La statue d’un mort sert d’ailleurs à le guider vers l’au-delà : lorsque l’âme quitte le corps, périssable, elle investit la statue, éternelle. Une sculpture est aussi vivante que celui qu’elle représente. Il est donc primordial qu’elle soit à son honneur. Un défunt sera toujours représenté relativement jeune, en pleine forme. C’est une représentation idéalisée. Plus le défunt est important dans la société, plus se représentation sera grande. Ses serviteurs sont toujours représentés plus petits que lui. Inversement, ses protecteurs et les dieux, plus grands, de manière à les honorer pour qu’ils intercèdent en la faveur du mort.

La sculpture doit toujours évoquer le mouvement ou l’action, car une représentation statique condamnerait le mort à une immobilité éternelle. Sur les sculptures de pierre tendre, un homme sera toujours peint d’une carnation plus foncée qu’une femme, car il incarne l’extérieur, quand elle incarne l’intérieur. Enfin, toute sculpture représentant un défunt porte un cartouche avec son nom et ses titres.

4. La sculpture en Grèce antique

Des origines hétérogènes

Plusieurs foyers culturels ont vu le jour avant de se côtoyer et de fusionner dans la civilisation grecque. La culture cycladique s’est développée dans les îles de la mer Égée, essentiellement celles situées entre le continent et la Crète dès le néolithique. Il en va de même en Crète, où fleurit la civilisation minoenne. Plus tardivement, apparaît la culture de Mycènes dans le Péloponnèse. Cette dernière, de nature conquérante, a étendu son territoire jusqu’en Crète, après avoir pris pied dans les Cyclades. L’invasion dorienne, vers -1 200 met fin à ces trois cultures et provoque ce que l’on appelle « la période sombre », au bout de laquelle la Grèce antique prendra son essor.

Contrairement à l’Égypte antique, il n’y a pas de continuité artistique. Chaque culture primale avait sa propre mythologie, ses rites et ses modes de représentation. L’unité artistique se fait à partir de l’époque archaïque, puisque le foyer de civilisation est relativement homogène. Ce n’est donc qu’à compter du VIIème siècle avant notre ère que les codes de la sculpture s’uniformisent et qu’elle atteint, à l’époque classique, son apogée.

Cavalier de l'Artemision

Cavalier de l’Artemision, bronze creux, -140, Musée d’archéologie nationale, Athènes, Grèce – image : SBD

Une libération progressive du corps

Les représentations de l’époque archaïque sont très souvent frontales. Elles apparaissent parfois un peu rigide. Mais on peut noter une très bonne maîtrise des matériaux grâce à la finesse des modelés. Le kouros nu d’Anavyssos (marbre, du VIème siècle avant notre ère) en est une parfaite illustration. Grâce aux connaissances scientifiques (Pythagore, Thalès, Archimède, …) et techniques (mise au point du bronze creux), les sculpteurs de l’époque classique libèrent le corps. Les mouvements s’amplifient. Les lignes se fluidifient, notamment grâce au contrapposto, position faisant porter le poids du corps sur une jambe, permettant de représenter la seconde en mouvement. Toutefois, pour contrer ce déséquilibre des masses, les sculpteurs grecs sont contraints d’accoler aux personnages une sorte de renfort, souvent un tronc ou un rocher. Cependant, les représentations se font de plus en plus naturalistes. Elles sont toutes une tentative d’approcher une beauté idéale, que seuls les dieux sont capables d’engendrer.

Doryphore de Pompéi

Doryphore de Pompéi, sculpture de Polyclète, copie romaine en marbre de Carrare du 1er siècle d’un original en bronze de -440, Musée archéologique national de Naples, Italie – image source : Marie-Lan Nguyen

Un canon qui a influencé tout l’art occidental

Pour Polyclète, le beau étant subjectif, c’est par le respect de proportions mathématiques, donc objectives, que l’on peut s’en approcher. C’est ainsi qu’il édicte un canon : ensemble de règles déterminant la représentation du corps humain. Pour lui, la tête doit représenter 1/7ème du corps en hauteur pour sa moitié en largeur. Le doryphore, dont ne subsistent que des copies romaines, est le meilleur exemple de la mise en application de ces principes par ce sculpteur. Ces principes ont été repris par les Romains, puis dans tout l’art occidental à partir de la Renaissance, période au cours de laquelle on a redécouvert les sculptures antiques.

5. La sculpture dans la Rome antique

Le nombre de copies d’œuvres hellènes montre l’influence de l’esthétique grecque sur la sculpture romaine. Il est d’ailleurs fréquent que ces copies aient survécu à leur modèle grec. Mais elle a également bénéficié d’autres influences, comme celle des étrusques, sans compter les nombreuses spécificités vernaculaires de l’Empire que les Romains ont assimilées.

De la sculpture grecque, la civilisation romaine a surtout retenu le naturalisme. Toutefois elle est plus réaliste. Elle ne cherche pas à idéaliser ses sujets, mais à les représenter tels qu’il sont, même si certains traits peuvent sembler disgracieux (par exemple, les représentations de l’empereur Claude). De plus, elle s’attache davantage à dépeindre l’Homme et sa personnalité, ainsi que les valeurs du citoyen : gravité, autorité, dignité. Elle est donc davantage au service du pouvoir et d’une certaine propagande. Avec l’invention du buste, l’aristocratie vante ses origines à l’aide de portraits d’ancêtres. Quant à l’empereur, elle lui permet de diffuser son image à travers toutes les provinces de l’Empire, montrant ainsi sa présence, donc son autorité, et sa puissance. On va même jusqu’à représenter, de manière souvent expressive, des barbares défaits ou mourants, suggérant ainsi le sort réservé aux peuples rebelles à l’autorité impériale.