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Le futur empereur Auguste est né le 23 septembre 63 avant J-C sous le nom de Caius Octavius Thurinus. Connu sous le nom d’Octave, il est le petit-fils de Julia Caesaris Minor, sœur de Jules César. Ce dernier, nommé consul, puis dictateur1 à vie par le Sénat, facilite l’accès de son petit-neveu à des fonctions prestigieuses. Sans enfant, il fait d’Octave son fils adoptif et donc l’héritier de sa fortune. En mars 44 avant J-C, Octave apprend la nouvelle en même temps que celle de l’assassinat de son grand-oncle. Il souhaite faire valoir ses droits et se fait appeler Caius Julius Caesar Octavianus, soit Octavien. Intelligent et doué pour la politique, il intrigue d’abord pour s’associer aux partisans de César afin d’éliminer les assassins de son père adoptif, avant de se retourner contre ses alliés et de les éradiquer à leur tour. Déjà nommé Imperator2 par le Sénat en 38 avant J-C, aimé et admiré du peuple depuis sa victoire lors de la bataille d’Actium en 31 avant J-C, il se voit attribué le titre de Princeps senatus3 en 28 avant J-C. L’année suivante, il est désigné Augustus4 pour avoir mis fin à un siècle de guerres civiles, ramené la paix et préservé la République sénatoriale. Les habiles manipulations d’Octavien, désormais Auguste, ont amené la République romaine vers le principat, sans que ses structures en ait été changées et avec l’assentiment du peuple comme du Sénat. Même s’il les flatte, il concentre tous les pouvoirs et décide seul. En 12 avant J-C, il devient Pontifex Maximus (Grand Pontife) et donc chef de la religion romaine. Le peuple ne l’appelle plus alors que Imperator Cesar Augustus, le révère sur les autels et certaines villes le déifient. Il lance de nombreuses réformes pour organiser et faire prospérer son empire, maintenir la paix et cultiver son image de patriarche protecteur du peuple. Il usera de toutes les opportunités : embellissement de Rome, bâtiments pour le peuple, apposition de son effigie sur les pièces de monnaies et bien sûr sculptures le représentant, notamment des bustes et des statues.

Anonyme, Auguste de Prima Porta, c. 14 avant J-C,
marbre de Paros, 2,07 m., Musées du Vatican, Rome, Italie

1. Une représentation élaborée

La sculpture considérée (il en existe plusieurs) est conservée et exposée au Musée du Vatican. Elle a été découverte le 20 avril 1863, dans la villa Ad Gallinas située à Prima Porta, près de Rome. Cette villa appartenait à Livie, deuxième femme de l’empereur Auguste. Il s’agit d’une copie en marbre de Paros réalisée vers 14 avant J-C, à partir d’un original en bronze datant de 20 avant J-C. Elle présente l’empereur plus grand que nature (2,07 m.).

La posture d’Auguste

Auguste est figuré en Imperator, c’est à dire en général d’armée en campagne militaire. Il porte une cuirasse et un paludamentum, enroulé autour de sa taille. Cette cape de laine, retenue à l’épaule droite par une fibule, était destinée à tenir chaud. De couleur pourpre, elle était portée par les généraux romains, puis réservée à quelques dignitaires, avant de devenir une régalia, c’est à dire l’un des objets symboliques attitrés de la fonction impériale. Les romains peignaient leurs statues. Aussi, à partir des pigments colorés retrouvés sur celle-ci, les experts ont pu restituer les couleurs d’origine de cette statue de l’empereur. Cette reconstitution confirme qu’il s’agit bien d’un paludamentum, puisqu’il était peint de couleurs pourpre.

Nous constatons qu’Auguste ne porte pas d’arme et qu’il est figuré tête et pieds nus. On peut en conclure qu’il n’est pas représenté avant une bataille, mais après, en général victorieux. L’empereur a le bras droit levé. C’est une posture utilisée dans la représentation classique des hommes politiques et militaires romains, celle de l’adlocutio. Elle représente ici Auguste haranguant ses soldats et plus largement le peuple.

Sculpture Doryphore de Pompéi

Anonyme, Doryphore de Pompéi, II-Ier avant J-C, marbre de Carrare, 2 m, Musée archéologique national, Naples, Italie

Par ailleurs, son corps apparaît dans une position dissymétrique : appui sur la jambe droite, jambe gauche légèrement relevée vers l’arrière. Cela crée un mouvement du corps, appelé contrapposto. Cette technique a été mise au point par le sculpteur grec Polyclète et théorisée dans Le Kanôn, ouvrage destiné à définir les normes de la beauté classique idéale. La sculpture est bien d’inspiration grecque. Elle n’est pas sans rappeler Le Doryphore du même Polyclète (dont une copie est conservée dans les musées du Vatican), non seulement par la position du corps, mais également par un profil au nez droit, des pommettes hautes, des lèvres fines, un visage peu expressif voire impassible, idéalisé selon les règles en vigueur de l’époque classique grecque. De plus, bon nombre d’archéologues s’accorde sur le fait que la main gauche de la statue d’Auguste devait tenir une lance. Cela fait d’Auguste un porteur de lance, soit un doryphore (du grec ancien dóru « lance » et phorós « portant »).

La cuirasse : une allégorie cosmique

Pour savoir après quelle bataille Auguste peut être amené à faire une allocution à ses soldats, il faut se reporter aux motifs de la cuirasse. Celle que porte l’empereur est une cuirasse d’apparat. Son port était réservé aux occasions officielles, avec un décor souvent très ouvragé. Ici, sa composition est circulaire, mettant en scène une allégorie cosmique autour du sujet central et des éléments organisés en trois registres.

La partie supérieure représente, au centre, Caelus (dieu du ciel). Il tient la voûte céleste symbolisée par un drap gonflé par le vent. Il soulève le voile de la nuit, tandis qu’à sa droite s’avance le char de Sol (dieu du soleil), en direction d’Aurore (sœur de Sol) tenant une cruche symbolisant la rosée. Elle cache Luna (déesse de la lune), reconnaissable au flambeau qu’elle tient. L’ensemble constitue une allégorie du lever du soleil.

Le registre médian met en scène deux personnages en son centre. Celui de droite porte une kandys5 et une barbe. Sa tenue indique qu’il est oriental. Ce n’est donc pas un Romain, mais un barbare. Il remet une aquila6 au second. Le sculpteur relate ici une scène historique ayant eu lieu en 20 avant J-C : suite à un accord de paix avec Rome, Phraatès IV, roi des Parthes restitue les aquila perdus par Crassus lors de la bataille de Carrhes (en actuelle Turquie) en 53 avant J-C. Le personnage qui reçoit le tribut est Tibère, né du premier mariage de Livie, puis adopté par Auguste. Il est accompagné d’un chien qui symbolise la louve romaine. Ce détail indique, dans cette scène, que Tibère représente Rome. Il porte d’ailleurs un bâton de commandement dans sa main gauche.

De part et d’autre de cette scène, on voit deux femmes à l’air abattu. Elles incarnent des provinces vaincues par les armées romaines. Celle située derrière Tibère tient une épée dans son fourreau et semble pensive ou éplorée. Il s’agirait d’une province d’Espagne, vaincue par Agrippa en 21 avant J-C. L’identification de la province représentée derrière Phraatès IV est plus évidente. Prostrée, elle serre dans ses mains un carnyx7, tandis qu’un sanglier se tient à ses pieds. Il s’agit de la Gaule, vaincue par Jules César.

Le registre inférieur est également allégorique. Au centre, est allongée Tellus (déesse de la terre). Elle porte une couronne d’épis de blés et tient une corne d’abondance. On distingue deux enfants blottis contre son flanc. Elle incarne la terre nourricière, l’abondance des récoltes. Son attitude détendue indique qu’elle est en paix et peut donc se montrer prodigue. Face à elle, Apollon chevauchant un griffon joue de la lyre. Il incarne ainsi les arts prenant leur envol. Derrière elle, un peu cachée par les plis du paludamentum, surgit Diane chevauchant un cerf, un carquois sur le dos. Elle symbolise ici la chasse, autant loisir qu’activité nourricière.

Schema de cuirasse

Schéma de la cuirasse

Enfin, sur la partie supérieure de la cuirasse, on relève que les attaches sont ornées de sphinx, allusion à la bataille d’Actium en 31 avant J-C, remportée par Agrippa et Auguste contre Marc-Antoine allié à Cléopâtre.

Le long de la jambe droite de l’empereur, se trouve un enfant chevauchant un dauphin. Cette présence peut paraître anecdotique ou surprenante. Elle a cependant une raison d’être. C’est tout d’abord un renfort aidant à l’équilibre physique de la sculpture dont le poids repose sur un pied. Par ailleurs, l’enfant n’est autre que Cupidon, fils de Vénus et de Mars. Pour les Romains, l’association de Cupidon et du dauphin est assez courante, mais peut avoir des significations différentes suivant le contexte, tout en évoquant des valeurs positives (grâce, amitié, curiosité, amour, intelligence, harmonie…).

Au-delà de son aspect esthétique, cette statue véhicule de nombreux éléments symboliques pour les romains et que le sculpteur a choisi d’associer et de mettre en avant.

2. Une symbolique appuyée

La glorification du corps

Ce qui surprend au premier regard, c’est l’antagonisme entre la prestance, la posture d’autorité de l’empereur, et le fait qu’il soit pieds nus. Il ne semble pas très réaliste qu’un empereur s’adresse nus pieds à ses soldats comme à son peuple. On peut aussi noter que la cuirasse, de type thorocata (moulant le torse) fait ressortir des éléments corporels apparemment incongrus : tétons et nombril. Auguste est donc vêtu, mais tout est mis en œuvre pour glorifier son corps. Contrairement aux Grecs, les Romains réservent la représentation de la nudité aux dieux et héros. Celle d’Auguste tend donc à le montrer en demi-dieu. N’oublions pas qu’il se fait appeler Augustus Caesar Divi filius, soit « fils du divin César », puisque son père adoptif a été divinisé par le Sénat.

La statue fait appel aux codes sculpturaux de la Grèce de Périclès, rappelant ainsi la province dans laquelle Auguste s’est formé, notamment à la philosophie. C’est aussi une manière d’indiquer qu’il respecte la tradition. L’inspiration évidente du Doryphore de Polyclète induit une filiation esthétique, mais aussi politique, dans la représentation du héros, à l’instar d’Alexandre le Grand. Comme dans la sculpture grecque, le héros n’a pas d’âge déterminé. La sculpture permet de rajeunir l’empereur et surtout de le rajeunir pour l’éternité, puisque ses traits gravés dans la pierre ne vieilliront jamais. C’est un écho au surnom que le peuple lui avait donné : « l’empereur qui ne vieillit jamais ».

Un geste de paix

L’empereur, sans souliers ni casque, le bras levé en signe de prise de parole, engage la discussion. C’est un signe de paix. De quelle paix s’agit-il ? Si, pour les contemporains d’Auguste, c’est d’autant plus évident que le décor de la cuirasse fournit de nombreuses indications, ce n’est pas le cas pour le spectateur du XXIe siècle. Nous n’avons plus nécessairement la connaissance précise de l’histoire romaine, ni les clés de lecture des symboles utilisés par les Romains.

Le décor central de la cuirasse n’est pas positionné au hasard par le sculpteur. C’est le motif le plus important. La déconvenue romaine lors de la bataille de Carrhes, en 53 avant J-C a profondément blessé l’orgueil romain. D’autant qu’à cette occasion, les Parthes ont ravi à l’armée les aquila de la légion commandée par Crassus, ajoutant la honte à la défaite. Or, les tractations diplomatiques d’Auguste lui ont permis de récupérer ces emblèmes, lavant ainsi l’affront fait à Rome 33 ans plus tôt. Ce geste fait de l’empereur un héros, car il a su rendre sa fierté à Rome, sans mener de guerre, avec une démarche pacifique. Le choix de placer Tibère comme interlocuteur du roi Phraatès IV n’est pas fortuit. Tout d’abord, c’est bien Tibère qui a mené l’ambassade auprès du monarque. Ensuite, Tibère, adopté par Auguste, est son héritier légitime, donc successeur potentiel.

Autour de cette scène, sont rappelées deux victoires. Celle de Jules César, père adoptif de l’empereur, sur la Gaule en 44 avant J-C. Cette conquête permet de mettre fin aux troubles frontaliers. De l’autre côté, les celtibères vaincus en 21 avant J-C par Agrippa, rappellent la victoire militaire du général mandaté par Auguste, ramenant ainsi la paix à l’intérieur des frontières de l’Empire.

Ces trois représentations se déroulent sous les auspices bienveillants des dieux. La nuit s’achève grâce à Caelus ; Le soleil arrive sur son char, précédé d’Aurore parsemant la terre de rosée, symbolique de l’eau. Tout est en place pour des récoltes abondantes, que Tellus tient dans sa corne à destination des Hommes, représentés sous les traits d’enfants. Ce sujet rappelle aux Romains que le travail de la terre est une vertu fondamentale, tandis que Diane pourvoit l’humanité en gibier et qu’Apollon apporte la musique. Autour des trois sujets historiques se met donc en place une harmonie cosmique, portée par Auguste. Cette Pax Romana ne sera cependant possible et pérenne que dans le cadre d’un ordre civil et moral, décidé par l’empereur, comme le montre son doigt levé en signe d’admonestation. En effet, Auguste a promulgué des lois strictes sur la moralité.

Un dernier détail rappelle une victoire importante. Les sphinx commémorent la seule réelle victoire militaire d’Auguste : la bataille d’Actium. Menant la campagne, l’empereur a défait Marc-Antoine qui avait pris parti contre lui en s’alliant à Cléopâtre. Grâce à cette victoire, il supprime son dernier grand ennemi politique et agrandit l’Empire avec l’Égypte. De plus, le sphinx était l’emblème d’Alexandre le Grand et le motif principal du cachet d’Auguste. Cette série de victoires montre au peuple qu’Auguste a ramené la paix, enrichi et agrandi l’Empire, faisant de Rome la capitale du monde méditerranéen.

Il incarne le héros militaire, le pacificateur après des années de guerre civile, le politique et diplomate omnipotent, le conquérant faisant converger les richesses du monde conquis vers la capitale et tous ses habitants. Il symbolise aussi la supériorité militaire de Rome sur les peuples barbares. Le plébéien, devant ce héros ayant accompli tant de prouesses, soutenu par les dieux de son quotidien, ne pouvait qu’accepter qu’il fût un demi-dieu.

Une dimension politique

C’est là qu’une clé de lecture nous fait parfois défaut. Parmi tous les motifs portés par la statue, Cupidon sur son dauphin n’aurait-il qu’un rôle esthétique ? Non. Tout Romain sait, en 14 avant J-C, qu’un enfant sur un dauphin représente Cupidon, fils de Vénus, d’ailleurs incarnée dans le dauphin. Il sait aussi que Vénus est la mère d’Énée, seul survivant de la guerre de Troie. Il a fondé Lavinium, ville à partir de laquelle Rome s’est construite. Le Romain connaît également les mythes fondateurs de sa cité : Énée à eu un fils, Iule, géniteur de la Gens Iulia, à laquelle appartient Jules César, père adoptif d’Auguste. Le citoyen Romain en déduit que l’empereur est un demi-dieu autant par la naissance que par les actes qu’il a accompli. Il est donc normal qu’il occupe la première place dans la vie civile, militaire, politique et religieuse.

Malgré des qualités esthétiques évidentes, cette statue n’a pas qu’un rôle ornemental. Elle porte un message. Un message politique en faveur d’Auguste. En effet, son ascendance divine par l’entremise de son père adoptif est surtout relatée dans l’Énéide de Virgile, contemporain d’Auguste. Par ailleurs, on sait par Suétone dans la Vie des douze Césars, qu’Auguste est plutôt chétif et souvent malade. Cela entre en contradiction avec cette statue qui évoque force et autorité. Alors, s’agit-il d’une vision, non pas réaliste, mais idéalisée de l’empereur ?

3. Une œuvre de propagande ?

Les archéologues ont déterminé que la statue d’Auguste de Prima Porta était la copie d’une statue en bronze, retrouvée dans un espace privé, la villa de Livie. Cette dernière voulait peut-être conserver une image flatteuse de son défunt époux. Mais d’autres sculptures d’Auguste en Imperator ont été retrouvées : Herculanum (Italie), Cherchel (Algérie), Orange et Arles (France), plusieurs figurent dans différents musées de Florence ou Rome, mais aussi à Copenhague, Londres et Paris. Nous pouvons donc en déduire que les statues de l’empereur étaient courantes et réparties sur tout le territoire impérial.

Il existe également de nombreuses statues d’Auguste voilé. C’est une représentation en Pontifex Maximus, prêtre suprême garant de toutes les congrégations religieuses romaines. Main levée en signe de prise de parole, il est le tribun de la plèbe, celui qui représente le peuple romain au Sénat. Avec un bâton de commandement, il est celui qui décide au nom du Sénat et du peuple romain. Les travaux archéologiques ont également permis d’exhumer des dizaines de bustes et de trouver des représentations de l’empereur sur des bas-reliefs, vases ainsi que de très nombreuses pièces de monnaie. Auguste diffusait donc très largement son image. Sa présence est si fréquente que les archéologues ont défini des types, qui se distinguent par la coiffure de l’empereur, notamment à la manière dont sont organisées ses mèches de cheveux.

Si on connaît quelques bustes d’Octave datés entre 48 et 35 avant J-C, la fréquence de son image augmente fortement à partir de 31 avant J-C. C’est à compter de cette date que, sous le nom d’Octavien, Auguste commence à remporter des victoires, notamment la bataille d’Actium contre Marc-Antoine et Cléopâtre. La statue conservée au Vatican est un exemple idéal du type Prima Porta. Il n’apparaît qu’à compter de 27 avant J-C, date à partir de laquelle Auguste est nommé Princeps Senatus* par le Sénat. Cette coïncidence n’est pas fortuite, tout comme l’apparition du type d’Actium en 31 avant J-C. Le futur empereur met en place, dès qu’il prend une place politique d’ampleur, une politique de promotion de lui-même.

Un projet politique

Auguste a l’intention de concentrer les pouvoirs. Il nourrit évidemment une ambition personnelle, mais cherche surtout à ramener la paix. Les guerres civiles durent depuis près d’un siècle, fragilisant Rome et son pouvoir. Il impute cela en partie aux luttes entre sénateurs de l’aristocratie et du peuple et aux funestes expériences de triumvirats. Il veut donc écraser l’idée républicaine, certes par quelques assassinats, mais surtout réprimer les prétentions des patriciens. Son projet politique : maintenir la paix aux frontières (regrouper les armées aux bornes de l’empire), assurer l’ordre à l’intérieur du monde romain (romaniser les peuples conquis pour éviter les revendications indépendantistes) et ramener la prospérité. Ses valeurs fondamentales : vertu, piété, autorité et dignité.

Pour se faire connaître et transmettre son programme politique, l’empereur décide de diffuser largement son image. Mais comment s’y prendre pour rallier le peuple, notamment celui récemment conquis et ne parlant pas le Latin ? Se montrer prodigue, satisfaire le peuple et revendiquer ses réalisations. A l’instar de son père adoptif, il va mettre l’architecture au service du pouvoir en se faisant bâtisseur de théâtres, amphithéâtres ou forums, afin de marquer l’esprit des romains. Il se montre en père généreux, guide spirituel, protecteur grâce à l’armée. Mais ferme, pilier de l’empire, aussi garant de l’ordre, contrepartie des bienfaits qu’il dispense. Il appose son effigie partout : statues à l’intérieur des amphithéâtres, temples à son culte, … En parallèle, il propage, par la symbolique de ses représentations, l’idée de la Pax romana : un nouvel âge d’or bénéfique à tout l’empire. C’est le cas par exemple avec la monnaie. En y apposant son profil, Auguste unifie les unités monétaires et facilite ainsi le commerce. Il se montre ainsi comme pacificateur, rassembleur, protecteur du commerce.

Sesterce

Sesterce à l’effigie d’Auguste

Le soutien des artistes et des intellectuels

Mais Auguste, en fin politique, ne s’arrête pas là. Il comprend qu’il lui faut garder la mainmise sur les idées politiques de ses contemporains. Pour cela, il lui faut l’appui de ceux qui produisent la pensée : philosophes, poètes, historiens. Il place autour de lui des proches. Il s’appuie notamment sur son ami Mécène. Riche patricien, passionné de culture grecque, il aime s’entourer de penseurs et d’artistes. Afin de conserver leurs faveurs, il prend en charge leur train de vie. C’est l’invention du mécénat.

Mécène a soutenu et promu de nombreux auteurs, contemporains d’Auguste, parmi les plus reconnus de la littérature classique. Mais leurs écrits sont vraisemblablement influencés par ce rapport pécuniaire, d’autant plus déséquilibré qu’il était risqué pour sa vie de déplaire à l’empereur.

Parmi ces auteurs, on peut trouver Horace, poète des cérémonies officielles d’Auguste dans sa fonction de Pontifex Maximus. Il a chanté le retour à l’âge d’or et les victoires de l’empereur dans ses Odes et Épodes. Dans son Carmen saeculare, œuvre commandée par Auguste, il vante les mérites et l’ascendance divine de l’empereur, renvoyant aux motifs de la cuirasse de l’Auguste de Prima Porta.

denier à l'effigie d'Auguste

Denier à l’effigie d’Auguste

Virgile, considéré comme l’Homère romain, rédige pour sa part l’Énéide. L’œuvre y relate l’odyssée d’Énée, qui a réussi à survivre à la guerre de Troie. Il erre jusqu’aux rivages du Latium après avoir reçu de Vénus un bouclier orné. Les motifs du bouclier prédisent la fondation de Rome par Romulus jusqu’à son apogée : la victoire d’Actium. L’auteur crée ainsi un lien direct entre Vénus, son fils Énée, Romulus et Auguste. Il nous faut relever que cette œuvre est à l’origine une commande d’Auguste, qui souhaitait un poème en Latin égalant celui d’Homère. Virgile a également promu la valeur augustéenne de l’agriculture dans ses Géorgiques, signifiant littéralement « travail de la terre ».

Auguste à également rédigé une autobiographie : Res gestae. Ce titre signifie « ce que j’ai fait ». Il constitue une sorte de testament politique dans lequel il évoque sa vision et ses valeurs. Certains extraits ont été gravés sur l’Ara Pacis, l’Autel de la Paix qu’il a fait construire à Rome.

Plan de l'Ara pacis

Plan de l’Ara pacis

Au-delà de l’esthétique de la statue de Prima Porta, nous comprenons bien que la sculpture constitue une synthèse de l’idéologie qu’Auguste souhaite diffuser. Nous pouvons en conclure que le premier empereur romain n’a rien laissé au hasard pour promouvoir son image. Celle que nous avons de lui encore aujourd’hui reste largement influencée par la propagande qu’il a mis en œuvre dès le début de son règne. Tous ses successeurs, mais également d’autres autocrates comme Louis XIV se sont inspirés des méthodes qu’il utilisait.

Glossaire

  1. Dictateur : durant la République romaine, un dictateur est un magistrat nommé par le Sénat; pour répondre à une situation d’urgence, il dispose des pleins pouvoirs et son mandat, au moment où cette fonction est créée, ne peut excéder six mois.
  2. Imperator : général investi de l’Imperium, pouvoir militaire, juridique et religieux conféré par le Sénat à un général avant son départ en campagne militaire
  3. Princeps senatus : « Premier sénateur », titre donné à ceux qui ont bien servi l’État.
  4.  Augustus : titre honorifique désignant celui qui agit sous de bons auspices, habituellement réservé aux divinités.
  5.  Kandys : manteau persan avec manches, originellement en cuir.
  6.  Aquila : Enseigne d’une légion romaine. Chaque légion avait sa propre aquila.
  7.  Carnyx : cor celtique utilisé lors des gueres pour galvaniser les troupes et effrayer l’ennemi.